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L’AMI FRITZ.

dans un autre, il faut commencer par remplir ses devoirs, et le premier de ces devoirs, c’est de se créer une famille, d’avoir une femme et des enfants, d’élever d’honnêtes gens, et de transmettre à d’autres le dépôt de la vie qui nous a été confié.

— Il a de drôles d’idées tout de même, ce vieux rebbe, dit alors Frédéric Schoultz en remplissant sa tasse de kirschenwasser, on croirait qu’il pense ce qu’il dit.

— Mes idées ne sont pas drôles, répondit David gravement, elles sont justes. Si ton père le boulanger avait raisonné comme toi, s’il avait voulu se débarrasser de tous les tracas et mener une vie inutile aux autres, et si le père Zacharias Kobus avait eu la même façon de voir, vous ne seriez pas là, le nez rouge et le ventre à table, à vous goberger aux dépens de leur travail. Vous pouvez rire du vieux rebbe, mais il a la satisfaction de vous dire au moins ce qu’il pense. Ces anciens-là plaisantaient aussi quelquefois ; seulement pour les choses sérieuses ils raisonnaient sérieusement, et je vous dis qu’ils se connaissaient mieux en bonheur que vous. Te rappelles-tu, Kobus, ton père, le vieux Zacharias, si grave à son tribunal, te rappelles-tu quand il revenait à la maison, entre onze heures et midi, son grand carton sous