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Page:Erckmann-Chatrian — L'ami Fritz (1864).djvu/68

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L’AMI FRITZ.

le bras, et qu’il te voyait de loin jouer sur la porte, comme sa figure changeait, comme il se mettait à sourire en lui-même, on aurait dit qu’un rayon de soleil descendait sur lui. Et quand, dans cette même chambre où nous sommes, il te faisait sauter sur ses genoux, et que tu disais mille sottises, comme à l’ordinaire, était-il heureux le pauvre homme ! Va donc chercher dans ta cave ta meilleure bouteille de vin, et pose-la devant toi, nous verrons si tu ris comme lui, si ton cœur saute de plaisir, si tes yeux brillent, et si tu te mets à chanter l’air des Trois houzards, comme il le chantait pour te réjouir !

— David, s’écria Fritz tout attendri, parlons d’autre chose !

— Non ! tous vos plaisirs de garçon, tout votre vieux vin que vous buvez entre vous, toutes vos plaisanteries, tout cela n’est rien… c’est de la misère auprès du bonheur de la famille ; c’est là que vous êtes vraiment heureux, parce que vous êtes aimé ; c’est là que vous louez le Seigneur de ses bénédictions. Mais vous ne comprenez pas ces choses ; je vous dis ce que je pense de plus vrai, de plus juste, et vous ne m’écoutez pas. »

En parlant ainsi, le vieux rebbe semblait tout ému ; le gros percepteur Hâan le regardait, les