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Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/145

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pionnage s’est introduit partout : dans le sein des familles, dans les confidences de l’amitié, dans les transports d’amour. — L’individu n’a plus rien de sacré ; honneur, pensée, parole, signatures et serments, tout est devenu matière à trafic. — Les jeunes bourgeois ont placé leur esprit dans la pointe de leurs moustaches, et la pureté de leur conscience dans le vernis de leurs souliers.

Les femmes envoient des baisers à Haynau le Fouetteur ; les hommes élèvent des arcs-de-triomphe à Napoléon l’Assassin. — Enfin le Peuple est devenu stupide, badaud, dégénéré ; indifférent au joug qu’il porte, il va voir tout ce qui reluit : les feux d’artifice, l’uniforme du soldat, l’acier du sabre, le Saint-Sacrement, le couperet de la Guillotine !


III.   Dans mon livre De la Révolution, j’avais comparé la décadence de l’Empire français à celle de l’Empire romain. C’était assurément faire trop d’honneur à la France, et pas assez à la Vérité.

L’Empire Romain mourut comme un vieux guerrier, debout, le casque en tête, dans toute la splendeur de sa gloire, dans toute l’insolence de sa fierté, au milieu du monde tributaire qu’épouvanta sa fin. Il mourut, retranché derrière la muraille Calédonienne à l’extrême Nord, et à l’extrême Sud, dominateur paisible de l’Asie fortunée. Veillé par ses légions, ses généraux et ses Césars, il expira par suite d’une indigestion de trois siècles, faim chronique auquel l’univers payait humblement rançon. Il tomba dans ses camps, aux fanfares des trompettes ; il tomba de pléthore et d’asphyxie ; il fut saisi, comme Sardanapale, au milieu du festin, après avoir soumis les peuples par le fer ou par l’or.

Je n’ai pas le courage de faire la comparaison, même en ayant égard aux différences de temps et de milieux. Hélas !