Aller au contenu

Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/298

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le monde, des milliers de compétiteurs pour les trônes les plus croulants de la Chrétienté. Le régime de la force armée et gouvernementale ne peut tenir longtemps dans un siècle dont la minorité pensante et la philosophie libre sont liguées contre lui. La veillée de mort est venue pour les Astyages, Crésus, Balthazars et Nabuchodonosors qui boivent le nectar des festins dans la coupe d’or où le peuple a versé la sueur de son travail maudit. Le régicide reparaîtra dans sa férocité hideuse : sa main sanglante se détachera sur le fond noirs des orages à venir : les Cosaques versant le sang comme le vin. — Divine ou terrestre, l’autorité est morte au cœur des hommes.

Toute tentative de revendication pour la Liberté et la Justice est étranglée sans pitié dans la gorge des hommes de cœur. On rédige des listes de suspects, on proscrit, on dépossède, on emprisonne, on raccourcit à tort et à travers. Les plus grands scélérats se saisissent du pouvoir ; les hommes les plus honorés subissent des peines infamantes : preuve est donc faite que le Pouvoir est chose méprisable et que les jugements des hommes ne souillent et ne purifient personne. Les vengeances d’un parti sont effacées par celles d’un autre ; la terreur n’est plus guère qu’un vieux mot qui fait sourire ; les chefs de sectes, qu’on croyait si redoutables et si grands, traînent dans l’exil une existence réprouvée ; à peine commencent-ils à se faire un nom qu’ils sont enlevés au théâtre de leur jeune célébrité ; les rois enfin, qu’on regardait comme les plus libres des hommes, prouvent chaque jour qu’ils en sont les plus esclaves. — Ainsi notre jugement trembleur s’accoutume à voir les hommes nus comme notre premier père, et nous comprenons à peu près maintenant que l’accord général de l’Humanité naîtra de la division des individus poussée à l’infini. Les hommes commencent à soupçonner avec étonnement qu’ils peuvent vivre libres