Aller au contenu

Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/299

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et sans directeurs, chacun suivant le cri de ses passions, l’impulsion de ses intérêts et de ses instincts. Déjà toutes les notions de moralité conventionnelle sont interverties, tous les préjugés déracinés. On ne sait plus ce qu’il faut entendre par ces mots : Droit, Devoir, Morale, Crime, Vertu, Juste et Injuste. L’homme refuse de s’abaisser sous toute autre main que celle du Sort. — Ainsi passent — sic transeunt — la Gloire, la Justice et la Morale fausses imposées aux hommes par ceux qui les dominent.

Les lois tombent en désuétude. On les amende, commente, augmente et diminue ; on les corrige, on les reficelle ; on en fait de nouvelles qui retirent toute force aux anciennes. De sorte que toutes ces dispositions légales s’annulent les unes par les autres ; de sorte qu’en discutant la loi, les hommes la détruisent ; de sorte qu’ils maudissent une société dont les rapports sont si mal réglés qu’il faut toujours la main de la force pour en maintenir le faisceau disjoint. — Mais le monde futur est dans l’âme des hommes rebelles et justes, dans l’âme des condamnés que fait la Civilisation. Le germe de la société nouvelle est sous la terre, et la terre sera déchirée en l’enfantant !

Chaque année les bornes des propriétés sont marquées de noms nouveaux. Les banqueroutes et les revers de fortune se succèdent sans interruption. Le travail est un frein ; on musèle les hommes en les affamant. La Misère, plus cruelle que le fouet, contraint au labeur quotidien la population hâve des ouvriers. — Mais comme le principe sur lequel repose le Privilège est faux, les modifications qu’on lui fait subir affaiblissent le Privilège, peu élastique de sa nature. L’extrême opulence et l’extrême pauvreté, subies autrefois sans plainte par le petit nombre, dispa-