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Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/313

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lisation ; longtemps les plaines fertiles seront abreuvées de sang ; longtemps les peuples seront éveillés, dans la nuit, par les trompettes rauques qui les appelleront aux combats.

Mais toute transition veut être ménagée. Les combinaisons chimiques ne se produisent pas sans effervescence. Les agonies des vieillards et les convulsions des enfants se prolongent assez longtemps pour que les uns aient le temps de préparer leurs pensées à la mort, et que les autres disposent leurs forces en vue de l’existence. Avant de s’unir, les amants se courtisent. Le viol est infécond. Les peuples sont comme l’homme et la femme qui tout d’abord se fuient et se repoussent presque, la femme par coquetterie, l’homme par embarras. Cependant, cet éloignement momentané les contraint de penser l’un à l’autre, de s’observer, de se connaître ; en un mot, de procéder, dans leurs amours, différemment des premiers animaux venus : jusqu’à ce que les circonstances, favorisant leur rapprochement intime, exercent une sorte de violence sur l’amour propre de l’homme et sur la pudeur naturelle à la femme.

Dans l’invasion prochaine, il faut que les Barbares soient longtemps retenus loin des métropoles ; il faut que les Civilisés se défendent longtemps à l’intérieur des villes : — pour que, depuis les cités opulentes jusqu’aux pauvres hameaux, les hommes ne soient plus effrayés de l’immense coït de leur race sur toute la surface de la terre habitée. Il faut que les troupes d’Occident résistent un peu, s’il est possible, à celles du Nord ; — afin que le Nord déborde plus furieux sur nous. Le courant d’un fleuve se précipite d’autant plus rapidement qu’il trouve plus d’obstacles sur son passage : de chaque digue qu’on lui oppose, il s’élance d’un bond nouveau. Il faut que l’amour-propre blessé des chefs et les paroxysmes de colère des soldats concourent au travail actuel de la Révolution, le travail fumant de l’épée !