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Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/344

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» Et de ses monuments superbes aucun ne sera conservé !

» Au milieu de ces ruines je laisserai, pour les garder, cet édifice bas, humide et sombre, que les civilisés appellent la Morgue, et dans lequel ils exposent les malheureux trop pauvres pour avoir une sépulture, trop abandonnés pour supporter le poids de la vie ;

» Et j’y ferai allumer une lampe d’huile.

» J’établirai, dans cette Morgue, un homme vêtu de noir qui entretiendra la lueur de la lampe pâle et qui, toutes les heures, criera :

» Ainsi passent les nations superbes gangrenées par l’Injustice !

» Et je défendrai qu’on coupe l’herbe qui croîtra dans les alentours de ce lieu maudit ; je défendrai que les pasteurs y conduisent leurs troupeaux, car toute bête qui broutera cette herbe sera frappée de mort.

» La sombre Belladone, la Jusquiame noire, l’Hellébore empoisonné et la Ciguë vireuse enfonceront leurs racines dans le sol désolé ;

» Les Oiseaux aveugles, fils de la Nuit, y passeront en pressant leur vol, en redoublant leurs ululations sinistres ;

» Le Lézard qui aime les lieux habités ne se réchauffera point sur ces pierres expiatoires.

» La Vipère à tête plate sera le seul hôte de ce désert ;

» Le Gui parasite, le Lierre envahisseur, le Houx plein de dards et le triste Cyprès en interdiront l’abord.

» Ils s’élèveront par dessus les murailles, les couronnant d’une verdure de deuil.

» ............. Et quand un siècle sera écoulé, ces murs s’écrouleront, et on ne les relèvera plus.