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Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/382

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Nouvelle journée de Waterloo


« Ô malheur ! ô fatal et malheureux
jour, jour lamentable, le plus douloureux
que j’aie encore vu ! Ô jour exécrable ! Il
n’en fut jamais de plus funeste ! Malheureux
jour, malheureux jour ! »
Shakspeare.


Maintenant ce que je vois est épouvantable ; moi-même, j’en suis effrayé. Dans la plaine de Waterloo les nations se sont rencontrées de nouveau. Quels souvenirs ces champs du meurtre éveillent pour chacune d’elles ! Que d’alliances brisées ! que d’amitiés et de haines effacées par le Temps ! Ceux qui étaient ennemis alors s’embrassent aujourd’hui. C’est la saison des semailles, et la terre fraîchement remuée laisse voir les pointes de vieux glaives et les gueules rouillées des canons de 1815 !

Combien ne salueront pas le jour de demain ! Combien rentreront dans leurs foyers, couverts de blessures ! Que de femmes et d’enfants verseront des pleurs amers ! Pendant combien d’années les vieillards raconteront cela dans les veillées d’hiver !

Les sentinelles vigilantes annoncent le retour de la lumière. Le soleil se lève, bordé d’un cercle de sang ; son regard cruel perce les nuages, il semble se réjouir de l’œuvre des discordes. On dirait, sur les champs et les forêts, un voile sanglant !

Toute la ligne des tentes s’émeut ; l’aigre clairon sonne le boute-selle. Vaincre ou mourir ! crient les chefs aux soldats. — Que d’orgueil et de crainte dans ces deux mots ! L’homme qui va se battre est sanguinaire comme une fauve et peureux comme un insecte.

Dans la plaine, l’armée barbare se forme en épaisses phalanges hérissées de fer et de bronze.