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Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/387

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moins corrompus que les nôtres ; déjà les dignitaires de France se sont agenouillés devant eux, et il ne s’est pas trouvé, dans toute l’étendue de cette France impériale, un seul village assez héroïque pour chasser les alliés par le canon ou par l’incendie. — Les boyards sont riches, les généraux leur vendront la France ; les boyards sont lascifs, les maris leur vendront leurs femmes, et les pères leurs enfants. — Tout s’achète : les hommes coûtent moins cher que les objets.

Cependant la Famine sévit sur les pauvres de la capitale. Toutes les ressources sont épuisées ; pas un gouvernement national n’est possible ; celui de la conquête ne prend pas soin des vaincus. Les Cosaques exercent d’effroyables vengeances sur les ouvriers qui ont défendu Paris. Toutes les horreurs des sièges fameux, les meurtres, les viols, les agonies lugubres, les résistances inégales et les lâches représailles ne peuvent pas donner une idée des scènes de barbarie dont la capitale est le théâtre.

Dans les quartiers populeux, hommes et femmes, enfants sont étendus sur les trottoirs, pêle-mêle, nus, sans pain. Les plus fortunés s’entassent dans des caves humides où ils restent sans lumière. L’air n’y pénètre pas, le sommeil en est éloigné par la faim. Misère épouvantable ! L’homme dispute à la vermine une paille pourrie dans laquelle il mord pour trouver les besoins de son estomac !

Je vois des squelettes vivants qui se traînent le long des murailles, se mesurent de leurs yeux éteints, arrachent l’herbe et les écorces d’arbres, fouillant dans les tas d’ordures, se disputant des chiens maigres et des chevaux d’Ukraine, réduits souvent à manger et à boire ce qui sort de leur ventre !

Je vois les hôpitaux pleins de malades et manquant de