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Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/405

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nations les unes contre les autres et à les associer dans les malédictions qui s’élèvent contre lui, ces œuvres de violence ne durent pas. Les peuples se pardonneront de grand cœur les crimes que l’amour-propre national leur a fait commettre, le jour où, en faisant la somme, ils se trouveront aussi coupables et aussi innocents les uns que les autres et se retourneront contre ceux qui les ont divisés.

Cette tendance se manifeste visiblement dans toute l’Europe ; elle est appréciable là même où l’on désespérait de la rencontrer jamais. « Dans les déserts de la Sibérie, dit M. Mickiewickz, Russes et Polonais se pardonnent : victimes du même despotisme, ils ne forment plus qu’une seule nation qui s’appelle la nation malheureuse ; ils s’assistent et se consolent. Russes et Polonais, de retour, savent qu’ils ne sont pas nécessairement ennemis, et que le pouvoir qui les frappe tous les deux est aussi celui qui les a fait se haïr. »

Lorsqu’on suit le mouvement des races humaines, certes le cœur s’afflige à voir les nations parvenues au plus haut degré de splendeur livrées en proie à des hordes barbares et féroces. On se demande avec effroi si c’est la loi, la loi fatale, la loi du tigre. Et puis l’on se convainc de plus en plus que la Mort suit son horrible route sans dévier jamais ; qu’elle frappe tout ce qui penche, le vieux tronc aux fruits succulents et le vieillard aux conseils expérimentés ; Rome hier, aujourd’hui Varsovie, Paris demain. — Ce qui brille sur terre attire son regard sombre ; sa dent meurtrière veut du sang !

Une phrase pleine de scandale et de résignation tombe de ma plume. Il fallait que la Pologne subît six partages, il fallait qu’elle fût écartelée, crucifiée, parce que son étoile resplendissait trop. Il fallait que ses tronçons fussent dispersés parmi les Slaves, afin d’exciter leurs vengeances,