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Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/76

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leine de nos semblables nous est mortelle. Nous sommes tous taillés sur le même modèle, âme et habit, à tel point que nous proclamons celui-là plus distingué qui ressemble le plus à tous les autres. — Tandis que les Slaves russes, dominés par une nature inculte, se livrent à toute la fougue de passions indomptables et nomment qualités tous les écarts que nous évitons de commettre, ainsi que toutes les revendications contre l’autorité de leurs maîtres.... car « ils ne respectent pas la loi, ils ne craignent que la pénalité » dit A. Herzen.

Chez nous il est de haute probité de ne pas changer d’idées : nous tirons gloire et profit de rester immobile, crétins. Nous sommes empêchés de penser originalement par des intérêts fixes, par des préjugés impérieux, par des partis violents. Chez les Slaves, au contraire, la pensée et les espérances sont projetées au loin : ces peuples ne sont pas retenus par un passé glorieux, dans des traditions mortes. On dit : noblesse oblige. Cela ne veut-il pas dire aussi que noblesse contraint, c’est-à-dire gêne, limite, fixe, immobilise, c’est-à-dire défend de s’abandonner à l’impétuosité de son imagination. J’estime que, pour les peuples comme pour les hommes, il n’y a pas de tyrannie plus lourde et plus empêchante que celle de la famille.

Nous croyons avoir des idées, et nous n’avons que des réminiscences qui nous détournent de penser hardiment. Les slaves croient n’en pas avoir, et par cela même sont, beaucoup plus que nous, accessibles à toutes.

Les Slaves ont conscience du servage et de l’ignorance qui pèsent sur eux, tandis que nous appelons orgueilleusement un degré très-avancé de civilisation l’ordre inique de notre société avec son apparence légale, notre ignorance profonde avec son vernis d’érudition, notre immoralité absolue avec son masque de jésuitisme, notre organisation lymbique avec toutes ses iniquités et misères.