Aller au contenu

Page:Ernest Cœurderoy - Hurrah !!!.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nous sommes très-fiers de pouvoir mourir de faim avec le beau titre d’hommes libres ; s’entendre nommer la France le foyer des lumières universelles, et de ne savoir pas lire ; d’être assuré contre l’acier du poignard, mais non contre la dent de l’usure.

Nous sommes dans la vieille enfance ; ils sont dans l’enfance première.

Nous sommes gras et repus, et voulons du repos. Ils sont maigres, et les privations les ont rendus avides ; ils ont besoin d’agir. — Pour une nation pareille le monde serait trop petit si elle avait à sa tête un ambitieux de la taille, seulement, de Napoléon Ier. Or il s’en trouvera, un vieux d’abord, et puis un jeune : gardez-vous d’en douter. Si j’étais poète russe je chanterais à Constantin la célèbre prédiction : tu Marcellus eris.

Nous sommes trop forts sur la théorie des armes pour briller dans la pratique. Eux en sont encore à cette exclamation des peuples primitivement conquérants et pillards. Tout est de bonne guerre !

Derrière les peuples agresseurs la guerre accumule des vengeances qui les forcent à marcher en avant. Derrière les peuples attaqués la paix amoncelle des intérêts qui les retiennent en arrière. Une nation industrielle ne saurait se mettre en mouvement, une nation conquérante ne saurait s’arrêter, sans égal danger de mort.

Les Russes courent à marche forcée sur l’Orient. Nous nous traînons, comme des limaçons, sur nos longues étapes ; nous dansons, nous faisons nopces et festins. Nous demandons la paix quand on nous a enfoncé l’épée dans les reins et qu’elle nous sort par la bouche ; nous demandons la paix, et il n’y a point de paix !

Nous paradons avec des flottes et des tirailleurs sur les frontières d’un empire immense ; pour satisfaire l’opinion, nous décochons sur ses remparts des boulets qui éclatent,