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Page:Espronceda - L’Étudiant de Salamanque, trad. Foulché-Delbosc, 1893.djvu/13

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ses épaules ; feuille à feuille, elle jette les fleurs qu’elle porte à la main.

Sa démarche est incertaine et lente, ses regards sont inquiets ; elle semble un rêve magique qui caresse l’âme et la trompe.

Voyez-la : tantôt elle regarde le ciel, tantôt elle soupire et s’arrête ; parfois ses yeux laissent échapper une larme qui vient brûler

sa joue ; c’est une onde de la mer que le vent des passions, en violente tempête, a soulevée dans son âme.

Puis elle s’assied et soudain se relève effrayée ; anxieuse, elle parcourt le jardin et s’arrête pour écouter.

c’est le susurrement de la brise, c’est le murmure de l’eau, ce n’est pas sa voix, ce n’est pas le son mélancolique de la harpe.

Ce sont des illusions qui vécurent : souvenirs qui te trompent, hélas ! ombres du bonheur qui passa… Celui que tu aimes t’a oubliée.

Cette nuit et cette lune sont les mêmes qui, indifférentes, ont vu ta félicité, comme elles voient aujourd’hui ton malheur.

Ah ! pleure, pauvre Elvire ! triste amante abandonnée ! ces feuilles que tu arraches distraitement de ces fleurs,

sais-tu, infortunée, où le vent les emporte ? Là où allèrent tes amours, ton illusion et ton espérance.

Effeuillées et flétries, pauvres fleurs de ton âme !


Blanche nue de l’aurore, teinte d’opale et de pourpre, la lumière qui naît te colore, brillante avant-coureuse du matin candide.