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Page:Espronceda - L’Étudiant de Salamanque, trad. Foulché-Delbosc, 1893.djvu/37

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et maudissant le ciel, a compté des heures éternelles d’anxiété infinie ;

celui qui a senti son cœur brisé vouloir s’échapper de sa poitrine, s’accroître son délire, s’accroître son dépit, et la douleur lui nouer cent fois une corde au cou ;

celui qui a senti ses larmes de tristesse figées par la douleur en un lac vénéneux de glace déchirante, l’étouffer en débordant, sans jamais trouver en son désespoir ni consolation, ni espérance, ni trêve…

celui-là aurait compris le gémissement du blanc fantôme, seule réponse qu’il donna à don Félix ; il aurait senti son immense douleur, il aurait pesé son immense signification.

DON FÉLIX

« Si vous cherchez quelque ingrat, je m’offre à vous bien volontiers ; mais, ou cette réserve est trompeuse, ou vous êtes en butte aux mauvais procédés de quelque mari jaloux.

« Ai-je deviné ? Sotte manie ! Il y a de quoi me rendre fou, si vous vous entêtez dans ce silence ; avec les muets, ô ma reine, j’agis beaucoup et parle peu. »

Pour la seconde fois l’étudiant entendit une voix de suave mélodie qui semblait l’écho lointain d’un chant harmonieux,

battement langoureux d’un cœur qui aime, sentiment ineffable de tendresse, soupir d’amour partagé, le premier oui de la femme encore pure.

« Pour moi, les amours ont pris fin, tout est mort pour moi dans le monde ; le ciel a dénoué pour toujours les liens qui m’attachèrent à la terre. »