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Page:Espronceda - L’Étudiant de Salamanque, trad. Foulché-Delbosc, 1893.djvu/38

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Ainsi parla sa voix mystérieuse et tendre, qui donnait l’illusion d’autres mondes, écho de ceux qui sous la froide tombe jouissent en paix d’un éternel repos.

Montemar, ne songeant qu’à son aventure, jugea que la dame devait être belle et même facile : l’heure, la rue et la nuit obscure sont pour son ardeur de nouveaux stimulants.

— Il y a du danger à me suivre. — La belle objection ! — Peut-être vous en repentirez-vous bientôt. — Vous, peut-être. — Vous offensez le ciel. — Je me recommande au diable. — Allez-vous-en, monsieur, et ne tentez pas Dieu.

— Je sens que votre fierté m’énamoure de plus en plus, et si Dieu se fâche, parbleu, il aura tort : qu’il me mette dans vos bras et me tue aussitôt après. — Cette heure-ci sera peut-être votre dernière heure !…

Ne songez plus, don Félix, aux délires du monde. — Ah ! vous me connaissez ! — Hélas ! tremblez pour vous ! Tremblez que de vaines jouissances ne se changent en peines éternelles ! — Assez de sermons,

j’attends le carême pour les écouter ; et parlons d’amour, c’est un plus doux entretien ; quittez ce ton solennel et sévère qui, je vous le jure, madame, vous va fort mal ;

la vie est la vie : lorsqu’elle s’achève, le plaisir s’achève avec elle. Pourquoi la rendre esclave de peines incertaines ? Pour moi il n’y a jamais ni veille ni lendemain.

Si je meurs demain, tant pis ou tant mieux, comme l’on dit, que m’importe ? Que je profite du présent, que je jouisse à cette heure, et que le diable, si cela lui plaît, m’emporte quand je mourrai.

— Que ta volonté soit faite, ô mon Dieu ! — s’écria la