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Page:Espronceda - L’Étudiant de Salamanque, trad. Foulché-Delbosc, 1893.djvu/46

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mais jamais vaincue : c’est l’homme, enfin, qui, dans son anxiété, brise les bornes de la prison de la vie, somme Dieu de lui en rendre raison et essaie de découvrir son immensité.

Fredonnant une chanson bachique, il traverse cette demeure chimérique, la démarche audacieusement indifférente, la moquerie aux lèvres, le regard hardi : de tristes échos qui le suivent répètent, sur une monotone mesure, le bruit de ses pas et les coups de l’épée qui le heurte tandis qu’il marche.

Ce bruit étrange et unique qui remplit les échos de cette demeure, répercuté par le sol et les plafonds, résonne dans sa solitude profonde : il y expire comme le funèbre gémissement que pousse en sa douleur l’âme en peine qui, au bout du corridor long et obscur, semble sortir du mur entr’ouvert.

Et dans cet autre monde et dans cette autre vie, monde d’ombres, vie qui est un songe, vie qui, confondue avec la mort, ceint ses tempes de jusquiame mortelle, — monde, vague illusion décolorée de notre monde et rêve vaporeux, — ce bruit et sa folie insensée sont la seule image de la vie humaine.

Car là, son mystérieux guide blanc semble l’illusion de l’âme qui tantôt est caressée par l’espoir impie, tantôt s’évanouit quand elle est touchée par lui : nuage blanc, flottant, qui, dans la nuit sombre, se berce sur les ailes du zéphyr ; son vêtement gracieux flottant au vent, semble, en son mouvement muet,

la douce fumée d’un aromate brûlé qui, en ondes, monte se perdre dans l’air, rayon de lune qui sur le coteau gris, tel qu’une agrafe, a son sommet dans l’éther,