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Page:Espronceda - L’Étudiant de Salamanque, trad. Foulché-Delbosc, 1893.djvu/47

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sylphe qui apparaît enveloppé de l’aube et étend dans l’azur nébuleux ses ailes d’ombres noires teintes de lumière, indécises entre l’aube et la nuit.

Agile, rapide, aérienne et vaporeuse, les pieds touchant à peine le sol, la magique vision au voile blanc traverse cette demeure ténébreuse ; image fidèle de l’illusion heureuse que l’homme trouvera peut-être au ciel, pensée sans forme et sans nom qui fait prier et blasphémer l’homme.

Jusqu’à l’extrémité du long corridor, Montemar suit son guide silencieux et descend un escalier de marbre noir, en spirale, long, étroit et tortueux, qu’il voyait sans cesse suspendu en l’air, tourner autour de lui d’un mouvement violent, rapide, vertigineux.

Il se prolonge et s’étend en une spirale éternelle, en un tourbillon infini ; la pensée de Montemar est plongée dans une folle extravagance ; il fait mille chutes, et, enveloppé dans cette violente rotation, se figure être en l’air, se dégage et, sans que s’arrête l’impétueux mouvement, tournoie mille fois, roule dans des abîmes.

Et tombant de degré en degré, il blasphème et jure en un langage immonde ; son vertige furieux s’accroît, et rapidement précipité dans les profondeurs, tantôt il entend les sifflements de l’ouragan, le monde passant confusément devant lui, tantôt il entend des cris, des voix, des battements de mains, des applaudissements et des éclats de rire brutaux,

des pleurs et des soupirs, des plaintes et des gémissements, des moqueries, des sarcasmes, des rires et des insultes ; et en mille groupes çà et là rassemblés, il voit levés au dessous de lui, au dessus de lui, des hommes, des femmes, tous confondus, en un sot travail, avec des