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Page:Espronceda - L’Étudiant de Salamanque, trad. Foulché-Delbosc, 1893.djvu/48

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gestes gais, qui le regardent pleins d’un étonnement stupide et tournent dans le tourbillon perpétuel.

Il sent enfin que soudain il s’arrête, et demeure un instant interdit ; mais aussitôt le courage lui revient : il ouvrit les yeux et se dressa sur ses pieds : il pensa tout d’abord à la blanche dame, regarda autour de lui et la vit assise au pied d’un triste monument, au milieu de la salle, seule.

C’était un monument noir, solennel, qui se dressait au milieu de la salle et il semblait à Montemar, ô prodige, que ce fût à la fois une tombe et un lit : sa folle pensée imagina que cette tombe ouverte l’attendait ; elle imagina aussi que le lit était la molle couche d’un époux.

Et alors Montemar ayant recouvré son audace, et résolu à pousser à bout son aventure, défie le ciel et l’enfer, le cœur ferme, l’esprit décidé : il se dirige vers la blanche vision, la conjure de découvrir son visage, et s’asseyant à ses pieds, lui parla ainsi d’un accent enflammé.

« Diable, femme ou vision, qui, à en juger par le chemin qui conduit à cette demeure, es une pure rêverie ou une invention diabolique,

que ce soit de la part de Dieu ou de la part du diable, qui donc nous a conduits ici tous deux ? Dites-moi enfin qui vous êtes, pour que je sache avec qui je parle :

car mon cœur résolu palpite plus que jamais, maintenant qu’en une confusion si grande et en un mystère si irritant, ma raison me découvre

qu’un pouvoir suprême s’est mêlé ici invisiblement, pouvoir que je ressens mais ne crains pas, bien décidé à pousser jusqu’au bout cette aventure. »