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Page:Espronceda - L’Étudiant de Salamanque, trad. Foulché-Delbosc, 1893.djvu/53

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« je vous pardonne ma mort. — Certes, don Diego, reprit à son tour don Félix, tranquillement, je me réjouis de vous voir si calme, car, par ma foi, je ne pensais pas vous revoir.

« Quant à ce spectre que vous appelez mon épouse, vous venez m’offrir une étrange union : sa figure n’est certes ni aimable ni belle ; mais ne vous figurez pas que je veuille vous offenser :

« je la prends pour femme, car c’est chose certaine, et je pense que mon plan n’échouera pas, qu’en une conjoncture si bizarre, mon épouse ne me fatiguera pas autant morte que vivante.

« Mais auparavant, dites-moi si c’est Dieu ou le démon qui m’a amené en ce lieu, car je voudrais voir l’un ou l’autre et avoir au moins Luzbel pour témoin de mon mariage :

« l’un des deux ou tous les deux, avec toute leur cour, tandis que ces nobles spectres sont ici, ne perdraient pas beaucoup en venant à ma noce… Don Diego, mon frère, ne pensez-vous pas ainsi ? »

Don Félix dit cela en fronçant les sourcils et en jetant fièrement autour de lui d’audacieux regards empreints d’un profond dédain capable de braver le Dieu par lequel il jure.

Le squelette carié, livide, le presse étroitement dans ses bras froids, longs et sales, et, avide, le caresse jalousement : sa bouche caverneuse cherche la bouche de Montemar ; sa face répugnante, aride, décharnée et jaune atteint et frôle sa joue.

Et lui, enveloppé dans ses sèches articulations, sent