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Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/358

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attelés. Et il saisit de ses mains les rênes sur le rebord antérieur, et il introduisit ses pieds dans les belles chaussures du char. Puis, de ses mains étendues, il supplia les Dieux : — Zeus ! que je ne vive plus, si je suis un homme pervers ! mais que mon père sache combien il m’a fait injure, soit que je meure, soit que je voie encore la lumière ! — Et, alors, il saisit le fouet et en excita les chevaux. Et nous, serviteurs, nous suivions le maître auprès du char et des freins, sur la route qui mène directement vers Argos. Mais, après que nous fûmes entrés dans un lieu désert, hors de cette terre, nous vîmes un rivage auprès de la mer de Sarônikos. Là, un bruit, ainsi que le tonnerre souterrain de Zeus, éclata avec un retentissement terrible, effrayant à entendre, et les chevaux dressèrent la tête et les oreilles, et une grande crainte nous saisit, ne sachant d’où venait ce bruit. Mais, en regardant vers le rivage où grondait la mer, nous vîmes un flot immense qui atteignait l’Ouranos et dérobait aux yeux la vue de la plage de Skeirôn. Et il couvrit l’Isthme et le rocher d’Asklèpios. Puis, s’enflant et faisant bouillonner avec fracas une immense écume chassée par le vent, il se rua sur le rivage où était le char à quatre chevaux. Et de ce large flot et de cette tempête sortit un taureau, un monstre sauvage dont le mugissement emplissait la terre et retentissait horriblement. Et ce spectacle était plus affreux que les yeux ne pouvaient le supporter. Brusquement, une violente terreur envahit les chevaux ; et le maître, très habile dans l’art de conduire, saisit les rênes, les retirant en arrière, comme le marin fait de l’aviron, et il les lia à son corps avec les courroies. Mais eux, mordant de leurs mâchoires les freins durcis au feu, s’emportant avec fureur, ne s’inquiétaient plus ni de la main du maître,