Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, I, 1884.djvu/359

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ni des rênes, ni du char solide. Et, toutes les fois qu’il dirigeait la course du char vers un chemin plane, le taureau apparaissait devant les chevaux pour les faire reculer, et les frappait d’une folle épouvante. Et, quand ils allaient, furieux, du côté des rochers, le monstre approchait en silence et les suivait jusqu’au moment où il arrêtait et renversait le char sens dessus dessous, en heurtant contre un rocher l’orbe de la roue. Tout était confondu ; les rayons des roues et les chevilles des essieux sautaient. Et lui, le malheureux, embarrassé dans les rênes, et dompté par d’inextricables liens, brisant sa chère tête contre les rochers et déchirant son corps, criait, lamentable à entendre : — Arrêtez ! chevaux que j’ai nourris dans mes étables, ne m’anéantissez pas ! Ô terrible imprécation de mon père ! Qui viendra sauver un homme innocent ? — Et beaucoup d’entre nous le désiraient ; mais nous suivions trop lentement. Enfin, dégagé du lien des rênes qui l’enserraient, il tombe, n’ayant plus qu’un dernier souffle de vie. Et les chevaux et le prodige du taureau ont disparu, je ne sais où, derrière la terre montueuse. Pour moi, ô Roi ! je suis esclave de tes demeures, mais, cependant, je ne pourrai jamais en venir au point de croire que ton fils était un méchant. Quand même toute la race des femmes se pendrait, quand même on couvrirait d’accusations toute la forêt de l’Ida convertie en tablettes, je serais persuadé qu’il est innocent.

LE CHŒUR.

Hélas ! hélas ! Cette chûte de nouveaux malheurs est accomplie ! Contre la Moire et la nécessité nul refuge !

THÈSEUS.

Par haine pour l’homme qui a souffert cela, je me suis