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Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/165

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KASANDRA.

Voilà un dangereux serviteur, certes ! Pourquoi les nomme-t-on hérauts, eux qui sont également odieux à tous les hommes, ces messagers des Chefs et des Villes ? Tu dis que ma mère doit aller dans les demeures d’Odysseus ? Pourquoi donc les paroles d’Apollôn m’ont-elles appris qu’elle doit mourir ici ? Mes dernières paroles ne seront point des outrages. Malheureux Odysseus ! Il ignore les maux qui lui sont destinés. Les miens et ceux des Phryges lui sembleront de l’or. Après dix années de travaux, outre celles qu’il a passées ici, il rentrera seul dans sa patrie, s’il est épargné par l’horrible Kharybdis qui habite le détroit rocheux où roulent le flux et le reflux, s’il échappe au montagnard Kyklôps, mangeur de chair crue, à la Ligurienne Kirkè, qui transforme en porcs, aux naufrages de la mer salée, aux charmes du Lôtos, aux bœufs sacrés du Hélios, dont on mangera la chair qui parlera, épouvante d’Odysseus ! Afin de tout dire brièvement, il descendra vivant dans le Hadès ; puis, ayant échappé à l’eau de la mer et revenu dans ses demeures, il y rencontrera d’innombrables maux. Mais qu’importe que je dise les travaux d’Odysseus ? Viens, afin que je m’unisse promptement à l’époux dans le Hadès. Certes, tu auras un lugubre tombeau nocturne, non à la lumière, ô toi, Chef des Danaens, qui te crois si glorieux ! Et moi, cadavre nu, je serai jetée dans les vallées où roule l’eau des torrents, et près du tombeau de l’époux, je serai déchirée par les bêtes carnassières, moi, la servante d’Apollôn ! Ô bandelettes du plus cher des Dieux, ornements fatidiques, je vous salue ! J’ai quitté à jamais les fêtes sacrées qui me réjouissaient. Allez, arrachés de mon corps encore