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Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/166

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vierge ! Je les livre aux vents rapides pour qu’ils te les portent, ô Roi fatidique ! Où est la nef du Chef ? Sur laquelle me faut-il monter ? À l’instant de recevoir le vent propice dans tes voiles, tu ne m’emporteras jamais assez tôt de cette terre, comme une des trois Érinnyes ! Salut, ma mère ! Ne pleure plus. Ô chère patrie, ô mes frères qui êtes sous la terre, et toi, ô père qui nous engendras, vous me reverrez promptement ! Mais je viendrai chez les morts, victorieuse, après avoir détruit les demeures des Atréides par qui nous périssons !




LE CHŒUR.

Servantes de la vieille Hékabè, ne voyez-vous pas que votre maîtresse est tombée muette contre terre ? Ne la soutiendrez-vous pas ? Laisserez-vous, ô lâches, la vieille femme tombée ? Relevez-la !

HÉKABÈ.

Laissez-moi ! Vos soins ne me plaisent pas, ô jeunes filles ! Laissez-moi contre terre. Cette prostration convient aux maux que je subis, que j’ai subis et que je subirai encore. Ô Dieux ! je vous invoque, vous si lents à me venir en aide ! mais il y a cependant quelque raison d’invoquer les Dieux quand un de nous est en proie à la fortune contraire. Et d’abord, il m’est doux de rappeler les biens que j’ai possédés. Je m’attirerai ainsi plus de pitié pour mes maux. J’ai été Reine et épouse royale, et j’ai enfanté de très illustres enfants et non une foule vulgaire, mais les plus nobles des Phryges, tels que nulle autre femme Trôiade, Hellène ou Barbare, ne peut se glorifier d’en avoir enfanté. Et je les ai vus renversés par la