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Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/193

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HÉKABÈ.

Déposez sur la terre le bouclier arrondi de Hektôr, triste et amer spectacle pour moi ! Ô Akhaiens ! qui l’emportez par la lance plutôt que par l’intelligence, pourquoi dans votre terreur de cet enfant, avez-vous commis ce nouveau meurtre ? Craigniez-vous qu’il relevât un jour Troia renversée ? Vous étiez donc des hommes de rien, puisque, nous ayant péri, la Ville étant prise et les Phryges étant détruits, malgré Hektôr puissant par la force, et tant d’autres guerriers, vous avez craint un si petit enfant ? Je n’approuve pas la crainte, quand celui qui craint n’obéit pas à la raison. Ô très cher, que ta mort a été lamentable ! Si, au moins, tu étais mort pour ta Ville, ayant connu la jeunesse, les noces et une puissance égale à celle des Dieux, tu aurais été heureux, s’il y a quelque félicité en cela ! Mais tu as vu ces choses sans les connaître, ô enfant, et tu n’as pas joui des biens qui étaient dans tes demeures ! Malheureux ! Combien les murailles de ta patrie, les tours construites par Loxias, ont affreusement déchiré ta tête, dont ta mère cultiva comme un jardin et baisa tant de fois la chevelure ! Et le sang coule de tes os brisés, sans parler d’une autre chose horrible ! Ô mains, qui êtes l’image charmante de celles de son père, vous voilà inertes et les articulations rompues ! Ô chère bouche, accoutumée à de si beaux vœux, tu es muette ! Et tu me trompais quand, saisissant mon péplos, tu disais : — Ô mère ! certes, je couperai les nombreuses boucles de mes cheveux sur ta tombe, et j’y conduirai la troupe de mes égaux en âge pour t’adresser de douces paroles ! — Et ce n’est pas toi, c’est moi, vieille femme, exilée, sans enfants, qui t’ensevelis tout