Page:Euripide, trad. Leconte de Lisle, II, 1884.djvu/62

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par les poursuites des Érinnyes. Puis, Loxias m’envoya à Athèna pour satisfaire aux Déesses innommables. En effet, là est le Tribunal sacré que Zeus établit autrefois pour Arès, parce qu’il avait souillé ses mains de sang. Arrivé là, nul ne me reçut d’abord, comme si j’étais en horreur aux Dieux ; mais ceux qui me respectaient m’offrirent une table solitaire, bien qu’habitant la même demeure ; et, restant muets, me laissèrent silencieux. Et, afin que je ne pusse ni boire, ni manger avec eux, ils versaient dans des coupes semblables entre elles une pleine mesure de vin, et ils se réjouissaient en mangeant et en buvant. Et moi, je n’osais reprocher cela à mes hôtes, et je me plaignais en silence, feignant de ne pas m’en apercevoir, et gémissant, parce que j’étais le tueur de ma mère. J’ai entendu dire que mes malheurs avaient été pour les Athènaiens une raison d’instituer une solennité, et que le peuple de Pallas a gardé la coutume de la fête des Coupes. Étant donc venu sur la colline d’Arès, je fus mis en jugement, et je pris un siège, et la plus âgée des Érinnyes prit l’autre. Phoibos, ayant entendu l’accusation de parricide, me sauva par son témoignage, et Pallas compta de ses mains des suffrages égaux de part et d’autre, et je sortis vainqueur de ce danger mortel. Celles des Érinnyes qui consentirent à ce jugement établirent un temple près du Tribunal ; mais celles qui se refusèrent à l’acquittement, me tourmentèrent par une poursuite sans relâche, jusqu’à ce que, étant revenu sur le sol sacré de Phoibos, étendu contre terre devant le temple, et sans manger, j’eusse juré de m’arracher la vie en ce lieu, si Phoibos ne me sauvait, lui qui m’avait perdu. Et là, parlant par le Trépied d’or, Phoibos m’envoya ici pour enlever la statue tombée de l’Ouranos, et la porter sur la terre