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Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/93

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Un soir qu’il était étendu dans son hamac suspendu à la porte de sa maison, et sous l’ombrage épais d’un magnifique manguier, rêvant, les yeux collés aux voûtes du ciel, à Madeleine sans aucun doute, on vint le prévenir qu’un vieux nègre arrivant de la Basse-Pointe désirait lui parler.

— Un nègre arrivant de la Basse-Pointe, s’écria Firmin, en sautant vivement à bas du hamac, qu’il vienne, qu’il vienne !

Dès que le vieux noir, les pieds nus et couverts de boue et de poussière, eut paru, le créole le prit par le bras et le conduisit dans l’intérieur de la maison.

— Tu as sans doute quelque message pour moi, Corydon ? lui demanda-t-il avec précipitation.

— Non, maître ; mais je viens pour causer avec vous.

Une glace tomba sur le cœur du jeune créole. Il se leva avec mauvaise humeur.

— Causer ! et de quoi veux-tu causer avec moi ?

— De mam’selle Madeleine, répondit le vieux nègre.

— De Madeleine ?… oh ! parle, parle vite.

— Maître, reprit l’esclave, je suis bien vieux, vous voyez, en disant cela il montrait sa tête crépue et blanche ; je sais bien des choses que tout le monde ne connaît pas.

— Des choses sur Madeleine ?

— Oui, et sur papa Jérémie aussi. Mais, si vous le voulez bien, maître, je vais commencer par le commencement pour arriver à la fin tout doucement, s’il plaît à Dieu, ajouta-t-il selon l’exorde habituel aux nègres. Eh bien ! maître, il faut vous dire d’abord que depuis le jour où vous êtes parti de l’habitation, mam’selle Madeleine ne fait que pleurer, gémir et s’étioler. On dirait qu’elle a le mal d’estomac[1].

  1. Maladie de langueur.