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Page:Eyma, Les peaux noires, Lévy, 1857.djvu/95

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me fallait l’aller chercher loin. Où ? C’est ce que mam’zelle Madeleine eût bien désiré de savoir ; mais je n’ai pas voulu lui dire que ce quimboix était à la Caravelle.

— À la Caravelle ? répéta Firmin avec étonnement.

— Oui, ici même sur votre habitation, dans votre propre maison, maître, et en vous encore !

— Ah çà ! voyons que signifie ?…

— Cela signifie, maître, que vous êtes le quimboix qui doit mettre fin aux pleurs et aux souffrances de mam’selle Madeleine. Vous allez venir la rejoindre, et elle sera guérie.

— Jamais ! s’écria énergiquement Firmin en qui venait de se livrer un violent combat.

Le récit du vieux nègre sur les luttes qu’endurait Madeleine avait, un moment, réveillé toutes les ardeurs de la passion du jeune homme. S’il n’avait écouté que l’élan de son cœur, il serait parti sur la trace lumineuse de ce souvenir évoqué pour aller tomber aux pieds de la pauvre fille ; mais la raison l’emporta.

— Jamais ! reprit-il en s’adressant au vieux nègre, et va-t’en, tentateur. Tu as entendu les paroles qui sont sorties des lèvres de Madeleine : « Il ne m’épousera pas, et il me respecte trop pour m’avilir. » C’est la vérité ; Madeleine, et je l’en remercie, connaît bien mon cœur ; toi, tu ne peux pas comprendre cela. Tiens, voilà deux mocos[1], vas à l’office, bois un verre de tafia, soupe, repose-toi et repars demain au matin pour la Basse-Pointe.

— Je vous ai dit, reprit froidement le vieux Corydon, que je savais bien des choses que tout le monde ignore. Je vous avais dit également que je commencerais par le commencement. Vous serez content, maître, d’entendre la fin à présent.

  1. Le moco était une ancienne pièce de monnaie coloniale qui valait 1 fr. 35 c.