Aller au contenu

Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 1-2.djvu/476

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rumeurs sourdes couraient parmi les Allemands… on prétendait que le fils de Bluthaupt était à Paris ; on faisait dessein de le chercher activement et de le soutenir par tous moyens, au cas où on le retrouverait.

» Je ne fis paraître aucune inquiétude devant Johann, mais cette révélation me donna beaucoup à penser, et je résolus d’en finir une bonne fois avec ce petit homme, dont l’existence menaçait depuis vingt ans la maison de Geldberg.

» Le docteur Mira, qui garde un silence modeste, ne fut pas étranger au plan que je conçus, et me donna, dans cette occurrence, des conseils excellents.

» Le petit Franz voyait fort mauvaise compagnie, et passait ses jours à l’estaminet. J’allai trouver un drôle de mes créatures, nommé Verdier, et je lui promis une bonne récompense s’il pouvait amener le jeune homme à une querelle. Verdier ne demandait pas mieux ; c’est un ancien prévôt de salle, qui aime passionnément à tuer quelqu’un de temps à autre. Il connaissait Franz pour l’avoir rencontré parfois dans les tripots. Il se rendit à l’estaminet que je lui indiquai et réussit, je ne sais plus comment, à se faire jeter une choppe de bière à la figure.

» C’était plus qu’il n’en fallait. Rendez-vous fut pris pour le lendemain, qui était aujourd’hui, et, comme ils se sont battus ce matin au lever du soleil, il y a maintenant dix heures à peu près que le dernier des Bluthaupt est allé faire connaissance avec ses aïeux… »

— Du moins vous l’espérez ainsi, dit Rodach.

— Cher monsieur, j’en suis sûr.

— Vous ne pouvez le désirer plus que moi… Mais, en définitive, vous n’avez nulle certitude, et les chances d’un duel…

— Ah ! cette lettre ! cette maudite lettre !… s’écria Reinhold avec dépit, — si je pouvais la retrouver, vous seriez bientôt convaincu !…

Il se leva et chercha encore dans tous les endroits qu’il avait visités déjà. Son regard tomba sur un objet blanc qui se montrait sous le socle de la pendule.

Il poussa un cri de triomphe et le saisit avidement. — C’était, en effet, la lettre qui, jetée avec négligence, avait glissé entre le marbre de la cheminée et la pendule,