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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/196

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» — Elle se leva d’un bond ; ses yeux flamboyèrent ; sa main se posa sur ma bouche, forte et lourde comme la main d’un homme.

» — Silence ! dit-elle les dents serrées et la pâleur sur la joue ; elle souffre !… Oh ! mais je l’aime !…

» Elle cacha sa tête entre ses deux mains.

» — Sortez ! reprit-elle ; vous êtes fort, je le vois ; vous résister en ce moment serait folie !… plus tard… mais l’avenir décidera !

» — Vous n’avez pas répondu à mon message, dis-je en me dirigeant vers la porte.

» Dans une heure, vous aurez vos trois cent mille francs.

» Je sortis.

» Une heure après, cette femme dont je vous ai parlé sous le nom de Batailleur vint m’apporter les cent mille écus.

» Depuis lors, j’ai revu Sara, hautaine et rassurée en face du docteur portugais, qui tremblait devant elle ; je l’ai revue au milieu de sa famille, madame Sara de Laurens, fille aînée de Mosès Geld.

La surprise arracha un mouvement aux deux frères.

— Avoir aimé une pareille femme ! dit Albert en baissant la tête, c’est une punition de Dieu !

— Et la comtesse Esther est sa sœur ? demanda Goëtz ; une bonne fille, pourtant !… et belle femme !

— Et maintenant, reprit Otto, elle est au château de Bluthaupt, en face de notre Gunther, qui ne se doute de rien et qui l’aime encore peut-être… tandis que Reinhold, le Madgyar et les autres associés tendent leurs pièges sur les pas de l’enfant, elle travaille de son côté… soyez sûrs qu’elle travaille sans relâche !… Priez Dieu, mes frères, car le fils de notre sœur est en grand danger de mort !…

Le silence régna dans l’intérieur de la voiture.

Il faisait nuit encore lorsque la chaise de poste, qui avait traversé Metz au grand galop, quitta la route royale pour prendre un chemin de traverse menant à la frontière.

Entre Saint-Avold et Forbach, les trois frères descendirent de voiture et se prirent à marcher à pied, à travers champs, sous la conduite d’un homme du pays.