La chaise, vide, avait continué sa route.
La nuit, brumeuse et noire, ne permettait pas de voir à dix pas devant soi ; ils passèrent la ligne des frontières sans éveiller même un qui-vive.
À une demi-lieue de France, non loin des rives de la Sarre, la chaise de poste les attendait ; ils payèrent leur guide.
— Oh ! oh ! s’écria celui-ci en pesant deux pièces d’or dans le creux de sa main, il doit y avoir quelque chose de fameux sous vos manteaux, mes maîtres !
— Trois bonnes paires de bras, mon camarade, répondit Albert, avec trois bonnes épées.
— Et de l’appétit, ajouta Goëtz.
— Tout ça ne regarde pas le zollwerein, pensa le guide, qui reprit en chantant la route de France.
Quand la voiture eut traversé la Sarre, il était à peu près sept heures du matin.
Les premiers rayons du jour éclairaient au loin la campagne ; mais dans l’intérieur de la chaise, les stores baissés prolongeaient la nuit.
Peu à peu, cependant, le jour vainqueur glissa un premier rayon à travers les rideaux opaques ; une lueur pâle se fit.
On aurait pu distinguer confusément trois hommes qui sommeillaient, ensevelis dans leurs manteaux.
Il fallait bien garder quelque force pour la lutte prochaine.
Les heures du jour s’écoulèrent.
Le crépuscule du soir se faisait sombre déjà.
Sur la route d’Obernburg au château de Bluthaupt, trois cavaliers couraient à bride abattue.