Aller au contenu

Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/214

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Athénaïs Chocard, qui devait avoir, disait-on, sept chiffres à son compte de tutelle. Le gentilhomme songeait à faire une fin, bien qu’il fût jeune encore, n’ayant pas dépassé quarante-cinq ans.

Ficelle, le fin vaudevilliste, s’escrimait contre l’intelligence épaisse de l’énorme épouse d’un notable commerçant de la rue Laffitte, laquelle lui donnait à dîner toutes les semaines.

Quand le commerce se met à protéger les arts, rien ne lui coûte !

— Madame la duchesse, disait Mira de sa voix grave et compassée, vous êtes trop instruite pour ne pas me comprendre sur-le-champ.

La veuve du sabre impérial savait lire à peu près, et signait son illustre nom assez lisiblement, quand elle y mettait l’application convenable.

— Comme bien vous pensez, reprenait le docteur, ces choses ne sont pas historiques dans le sens rigoureux du mot… et pourtant l’écusson des comtes de Bluthaupt, dont vous pourrez reconnaître les émaux dans la salle de justice, semble d’accord avec ces étranges traditions… Ce sont des armes à enquerre, je vous demande pardon, Madame la duchesse, d’employer ces expressions techniques.

— Nous connaissons cela, docteur, répliqua fièrement la veuve du héros, nous avons, Dieu merci, des armoiries à revendre, et je crois que mon fils les ferait peindre volontiers sur son chapeau.

— Cet écusson porte, reprit le docteur, de sable à trois bustes de gueules…

— Fi ! Monsieur, s’écria la duchesse indignée ; un homme comme vous parler de gueule !…

— Ma foi, oui. Madame, racontait un peu plus loin le jeune M. de Geldberg, je me suis laissé dire que ces trois Hommes Rouges étaient trois cadets de Bluthaupt qui firent merveille contre les Sarrasins, au temps des croisades… Les bonnes gens du pays affirment qu’en récompense de leurs hauts faits, Dieu leur donna le privilège de revenir parfois visiter le monde des vivants après leur mort…

— Et quelqu’un les a-t-il vus ? demanda la marquise de Beautravers.

— Comment, quelqu’un, belle dame ?… vous trouveriez cent personnes dans le village qui les ont rencontrés face à face… et tenez, Ghert,