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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/409

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l’une de l’autre, car leurs blonds cheveux se touchaient… Franz se dressa sur ses pieds en sursaut ; Denise poussa un cri d’épouvante. À cet instant, le bruit du second coup de feu résonna, enflé par les échos de la Hœlle. Cette fois, aucune balle ne siffla aux oreilles des deux amants ; mais il se fit un grand bruit dans les broussailles qui croissaient aux parois du précipice. Une masse inerte et lourde tomba aux pieds de Franz. C’était le cadavre de Johann, le cabaretier de la Girafe, au marché du Temple.

Il était environ minuit. La chasse continuait au dehors, mais elle tirait à sa fin, car on avait entendu sonner la sortie de l’eau, du côté de l’étang de Geldberg. Madame de Laurens était seule dans le grand salon du château ; elle avait encore son costume d’amazone et s’asseyait auprès du foyer, dans une bergère antique où son corps gracieux disparaissait presque tout entier. Elle regardait d’un œil fixe et distrait les grandes bûches qui fumaient au fond de l’immense cheminée. Un domestique entra.

— Madame a sonné, dit-il.

— Oui, répliqua Petite ; quand MM. Reinhold, Mira et Van-Praët reviendront de la chasse, vous leur direz que je suis au salon.

Le domestique sortit. Sara retomba dans sa rêverie chagrine.

De temps en temps, son regard interrogeait avec impatience les aiguilles de la pendule gothique. Au bout d’un quart d’heure à peu près, elle entendit la grille grincer en tournant sur ses gonds. Elle se leva aussitôt et courut à la fenêtre. C’étaient les trois associés de Geldberg ; Sara les vit descendre de cheval et traverser la cour. Ils s’entretenaient vivement ; on devinait, aux gestes de Reinhold, qu’il annonçait à ses compagnons une excellente nouvelle. Petite haussa les épaules avec dépit et alla reprendre son siège. L’instant d’après, les trois associés faisaient leur entrée.

— Belle dame, s’écria Reinhold qui devançait ses compagnons, je veux être le premier à vous annoncer la grande nouvelle !…

— Victoire ! victoire ! dit Van-Praët en passant le seuil à son tour.

Petite les regardait d’un œil froid et découragé.

— Réjouissez-vous, belle dame, reprit Reinhold. Toutes nos traverses sont finies… Avez-vous entendu là-bas deux coups de feu sur la montagne ?