Aller au contenu

Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/410

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sara fit un signe de tête affirmatif.

— Les balles qui chargeaient ces fusils, poursuivit Reinhold, valaient pour nous cent fois leur pesant d’or… Nous n’avons plus rien à craindre, Madame… Franz est couché là-bas au fond de la Hœlle de Bluthaupt !

Les trois associés se frottèrent les mains à l’unisson.

— Ce n’a pas été sans peine ! dit Fabricius Van-Praët.

— Je commençais à croire, ajouta le docteur, que nous n’en viendrions jamais à bout !

Sara eut un sourire amer et dédaigneux.

— Gardez votre triomphe pour une occasion meilleure, dit-elle. Franz est couché dans son lit et se porte à merveille, à l’heure où je vous parle.

Mira et Van-Praët perdirent leur air joyeux. Reinhold essaya de rire.

— Ah çà, dit-il, ce n’est pas à moi qu’il faut conter ces choses-là, belle dame !… je pourrais presque affirmer que j’ai été témoin de ce qui s’est passé… Je rôdais sur la route de Heidelberg vers dix heures, lorsque j’ai rencontré Johann qui m’a fait descendre de cheval pour me montrer une chose assez curieuse, mais qui ne m’a pas enchanté au premier abord… C’était ma foi mademoiselle d’Audemer en tête-à-tête avec ce petit coquin de Franz.

» J’ai dit à Johann : « Je vais m’éloigner et tu feras de ton mieux. »

» La route était aussi claire qu’en plein jour ; Johann a grimpé jusqu’au haut de la Hœlle, pour se ménager une retraite sûre en cas de malheur.

» Au bout de dix minutes, j’ai entendu deux coups de feu et je suis revenu au galop.

» J’ai trouvé toutes les lumières éteintes sur la route, aux abords de l’entonnoir, et, dans ce fait, j’ai bien reconnu la prudence habituelle de mon ami Johann.

» J’ai poussé mon cheval jusqu’à l’endroit même où j’avais vu mademoiselle d’Audemer avec ce petit Franz. Il n’y avait là qu’un cadavre… »

Le chevalier prononça ces derniers mots de ce ton péremptoire qui n’admet pas de réplique. Madame de Laurens l’avait laissé parler jusqu’au bout, sans l’interrompre.