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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/411

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— Et avez-vous pris la peine, dit-elle, de mettre pied à terre pour examiner de près le cadavre ?

— C’eût été dangereux, répliqua le chevalier ; on aurait pu me durprendre…

— Monsieur de Reinhold, vous avez eu tort !… cela vous eût épargné le chagrin que je vais vous causer… Le cadavre couché au fond de la Hœlle est très-probablement celui de votre bon ami Johann.

— Comment pouvez-vous savoir ?…

— J’ai rencontré tout à l’heure, à la grille du château, Franz et mademoiselle Denise d’Audemer qui rentraient de compagnie.

— Est-ce bien possible ?… balbutia le chevalier stupéfait.

— J’ai vu, répliqua froidement madame de Laurens.

Il y eut un silence ; Sara s’enfonçait dans sa grande bergère et regardait tristement dans le foyer. La mine des trois associés s’allongeait de plus en plus. Reinhold né disait plus rien.

— Mais alors, murmura Van-Praët, nous pourrions bien être perdus !…

— C’est mon avis, dit Sara.

Puis elle ajouta, en se redressant lentement :

— D’autant mieux que Franz sait, à l’heure qu’il est, peut-être, le nom de son père et l’intérêt que nous avons à le combattre.

— Pourquoi pensez-vous cela ? demanda le docteur.

— Je ne sais… on devine… Quand il a passé près de moi, il m’a jeté un regard étrange… ceux qui l’ont sauvé ont dû parler.

Les trois associés baissèrent la tête, et pas un, parmi eux, ne trouva la force de faire une objection.

— Je n’ai pas tout dit encore, reprit Petite : n’avez-vous pas remarqué sur l’esplanade, au-devant du château, des groupes nombreux qui parlent à voix basse et qui regardent nos vieilles tours en prononçant de mystérieuses paroles ?

— Ceci n’est pas très-inquiétant, répliqua Reinhold ; ce sont des paysans qui attendent le retour de la chasse.

— Ce sont, en effet, des paysans, monsieur le chevalier… mais je vous jure qu’ils ne songent guère au retour de la chasse… Ils regardent tout