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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/433

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Ils demeurèrent tous trois debout au devant du seuil, et l’un d’eux dit :

— Le trentième jour n’est pas encore achevé, maître Blasius.

Le geôlier en chef se frotta les yeux. Sa débonnaire figure peignit l’étonnement et la joie.

— Je savais bien qu’ils reviendraient, les excellents garçons ! s’écria-t-il ; bonsoir, Otto, mon maître !… Bonsoir, Albert et Goëtz, mes joyeux amis !… Ah ! ah ! ce n’est pas moi qui aurais douté un seul instant de votre parole !

Il se leva pour aller toucher la main des trois frères.

— Et vous voilà bien fatigués, mes fils ! reprit-il en mettant un verrou à la porte derrière eux. Morbleu ! il ne sera pas dit que je vous aurai laissé rentrer dans vos cellules, sans boire un coup à votre bienvenue !… Asseyez-vous là tous les trois et trinquons comme de vrais Allemands !

Les trois frères prirent place. Maître Blasius alla chercher dans une armoire deux couples de flacons de vin du Rhin.

— Nous avons le temps, poursuivit-il, et pourvu que vous dormiez demain matin dans vos lits, tout ira bien, j’en réponds.

Il remplit les verres à la ronde et but coup sur coup, à la santé d’Otto, son maître, et à celle de ses joyeux amis Albert et Goëtz.

Ces trois rasades achevèrent de le mettre en belle humeur.

— Mein herr Otto, dit-il, j’ai passé de tristes soirées depuis votre départ. Du diable s’il y a dans toute la prison un coquin d’assez bonne compagnie pour faire décemment ma partie d’impériale !… Ah ! vous êtes d’aimables compagnons, mes fils !… Vive le seigneur Otto pour la sagesse ! Goëtz pour la bouteille, et Albert pour la petite partie d’amourette ! Buvez, mes enfants, buvez ; vous êtes ici chez vous, morbleu !… et je parie bien que vous n’êtes pas fâchés de revoir un vieux camarade !…

Ceci était au moins douteux.

Maître Blasius, cependant, joignait l’exemple au précepte et buvait en conscience.

Tout à coup il se frappa le front.

— Ah çà ! dit-il, j’y pense… vous n’étiez pas partis d’ici seulement pour vous promener, mes garçons… vous vouliez ramener Bluthaupt