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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/434

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dans le château de ses pères… Je suis curieux de savoir ce qui est advenu de tout cela !

— Si nous avions échoué, maître Biasius, répondit Otto, vous ne nous verriez pas ce soir assis à votre table, car nous serions morts tous trois, à la tâche.

Le geôlier ouvrit une large bouche et posa son verre sur la table.

— Ah ! ah ! dit-il, vous avez gagné la bataille !… et il y a un comte entre les murs du vieux schloss !…

— Un vrai comte, maître Blasius, jeune, beau, brave et riche !

La figure du geôlier changea. Parmi la familiarité protectrice de ses manières, on vit poindre un commencement de respect.

— De sorte que, murmura-t-il, si vous étiez libres une fois, vous ne seriez plus aventuriers sans feu ni lieu, mes chers maîtres…

À cette question indirecte, aucun des trois frères ne répondit.

Le vieux Blasius avala son verre et se gratta le front. Il avait évidemment quelque chose en tête.

— Après tout, grommela-t-il en se parlant à lui-même, c’est un vil métier que celui de geôlier, quand on a eu l’honneur de porter la chaîne d’argent, au service des comtes !… Dites-moi, mes maîtres, pensez-vous que Bluthaupt aurait quelque bonne volonté pour un vieux serviteur de son père ?

— Je le pense, répondit Otto, qui échangea avec ses frères un rapide regard.

Jusqu’alors la physionomie des trois bâtards avait peint uniformément l’insouciance froide du courage résigné. Leurs yeux s’éclairèrent en ce moment, comme si un rayon d’espoir eût réchauffé leur apathie.

— Buvez ! reprit le geôlier en chef ; ma foi, je pense de temps en temps aux choses du passé… l’air libre de nos forêts du Wurzbourg vaut mieux que la lourde atmosphère de la prison, n’est-ce pas, mes maîtres ?

Il fronça le sourcil et donna un coup sur la table.

— Je devrais dire notre prison, ajouta-t-il avec un mouvement de colère ; car je suis captif, moi aussi, de par tous les diables !… Je voudrais bien savoir si Bluthaupt a un majordome au château

— Pas encore que je sache, répliqua Goëtz.