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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/53

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son visage, on eût dit que l’anneau de fer des bagnes rivait son poignet à celui de ce taciturne compagnon.

Les deux couples venaient ensuite joyeux et bavards. Ils étaient gais comme pinsons ; ils chantaient de tout leur cœur, et, quand la rue s’y prêtait, ils essayaient un temps de galop sur le trottoir. Eu égard à leurs mœurs aimables et à leurs charmants caractères, ils allaient faire là un véritable voyage d’agrément.

Par derrière, Geignolet se coulait le long des maisons ; il regardait tout cela d’un air surpris et s’amusait assez.

On arriva aux messageries. Mâlou, Pitois et leurs compagnes se juchèrent délibérément sur la banquette ; Fritz et Jean se placèrent dans la rotonde, où ils se trouvèrent seuls.

Geignolet, mêlé aux gamins et aux commissionnaires, achevait de remplir son rôle d’éclaireur.

— Dès que vous serez là-bas, dit Johann à Mâlou, vous vous établirez dans les environs du château, et vous accoutumerez les bonnes gens de Geldberg à votre visage… Tâchez surtout de vous conduire comme il faut, et de ne pas gâter les choses à l’avance !

— Entendu, papa Johann ! répondirent les deux voleurs.

— Et bien des choses à l’Amour ! ajouta Bouton-d’Or.

Johann revint vers la rotonde.

— Toi, Fritz, reprit-il, tu es du pays et tu sauras comment te retourner… Tu aideras un peu les autres et feras la leçon à ce petit homme que je te confie.

Fritz, suivant sa coutume, mit ses gros yeux éteints sur le cabaretier et ne répondit point.

Le fouet du postillon retentit ; le cornet du conducteur sonna une douzaine de notes surprenantes, et la diligence écrasa le pavé au galop des cinq chevaux.

Johann et Geignolet reprirent, chacun de son côté, la route du Temple.

Jean connaissait Fritz pour l’avoir vu bien des fois sur le carreau, mais il ne lui avait jamais parlé. À peine la voiture avait-elle fait dix tours de roues, que l’ancien courrier de Bluthaupt s’enfonça dans un coin de la rotonde, et ferma les yeux pour dormir.