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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/553

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mine ? avait-il jamais menti ? — Et il avait dit : je t’aime ! et il l’avait dit avec sa bouche, avec ses yeux, avec son âme.

Aussi le chant de Marie était une sorte de prière, hymne d’actions de grâces qui s’exhalait de son cœur pour monter suave et doux vers le ciel.

Elle avait mis, ce matin, une sorte de coquetterie dans sa parure. Les corolles d’azur de quelques bluets d’automne se montraient çà et là parmi l’or pâle et ruisselant de sa chevelure. Elle avait serré, à l’aide de rubans de soie, le corsage éclatant des filles de la forêt, et ses petits sabots, comparables aux mules de cristal des contes de fées, rendaient plus remarquable la mignonne délicatesse de son pied, mais sa parure n’était pas tant dans ces ornements champêtres que dans l’allégresse angélique qui rayonnait à son front. Les regards de ses grands yeux bleus, reconnaissants et dévots, allaient vers Dieu avec son chant. Elle était belle ainsi et digne du gracieux nom qu’avait trouvé pour elle la poésie des chaumières, car elle avait de la fleur l’éclat, la fraîcheur et les parfums.

Jude l’aperçut et un sourire paternel vint à sa lèvre de vieux soldat. Lorsque Marie le vit à son tour, elle rougit, effrayée, et voulut s’enfuir, mais le loyal visage de Jude la rassura. Elle se leva et fit la révérence avec le respect qu’on doit à un vieillard.

— Ma jolie fille, dit l’écuyer en s’avançant, je cherche la demeure de Pelo Rouan.

— C’est mon père, répondit Fleur-des-Genêts.

— Dieu lui a donné une douce et belle enfant, ma fille… Puisque c’est ici sa demeure, je vais entrer afin de l’entretenir.

Jude joignit l’action à la parole, et mit le pied sur le seuil ; mais Fleur-des-Genêts lui barra vivement le passage.

— On n’entre pas ainsi, dit-elle doucement, dans la maison de Pelo Rouan. Je voudrais vous dire : Arrêtez-vous ici et reposez-vous. Mais nul ne passe le seuil de notre pauvre demeure ; tel est l’ordre de mon père.

— Cependant… voulut insister Jude.

— Tel est l’ordre de mon père, répéta résolument Marie.

L’honnête écuyer avait des motifs trop sérieux de vouloir interroger Pelo Rouan pour se payer d’un semblable refus. De son côté, Fleur-des-Genêts, quand il ne s’agissait point du beau capitaine, exécutait à la lettre la consigne de son père et fermait la porte à tout venant. En cette circonstance, elle avait tout l’air de vouloir défendre opiniâtrement la brèche. Heureusement les choses n’en devaient pas venir à cette héroï-comique extrémité.

À ce moment, en effet, une voix se fit entendre tout au fond de la loge.

— Enfant, dit-elle ; regarde bien la figure de cet homme, afin de ne lui refuser jamais l’entrée de la demeure de ton père… Fais place !

Fleur-des-Genêts se rangea aussitôt. Jude, étonné, restait immobile et hésitait à s’avancer.

— Approche, Jude Leker, reprit la voix. Sois le bienvenu, bon serviteur de Treml… Je t’attendais.

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