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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/669

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— Du roi de France ? répéta Bleuette, du roi qui est à Paris ?… Pourquoi n’avons-nous pas de roi, Martel, nous autres gens de Bretagne ?

— Le roi de France est notre roi, répondit Martel en souriant.

Bleuette releva sur lui son regard étonné.

— Nous sommes Bretons, dit-elle ; pourquoi notre roi s’appelle-t-il le roi de France ?

— Quant à ça ; dit de loin le gruyer, en s’efforçant de sourire, — je pense bien que M. Carhoat n’ira pas répéter les paroles de l’enfant au château. Je touche soixante-quinze livres par an pour mon office de garde des chasses… et ce n’est pas sous le toit de Jean Tuai qu’on devrait parler contre le roi.

En prononçant ce dernier mot il souleva son vaste feutre.

Bleuette frappa son petit pied avec une pétulante impatience contre la terre battue qui servait de plancher à la ferme.

— Père, dit-elle, Martel se fâchera contre vous !… ne savez-vous pas qu’il vous aime ?

Maître Tual frotta plus vivement le canon de son fusil.

— Sais-je moi ce qu’on rapporte de Paris, grommela-t-il, — quand on est le fils d’un diable et qu’on revient avec un habit de soudard ?…

Il se renferma dans un silence défiant, observant du coin de l’œil les deux jeunes gens qui se taisaient.

Il y avait de l’embarras sur le visage de Martel.

— Bleuette, dit-il enfin à voix basse et en baissant les yeux, — comment se nomme maintenant mademoiselle de Presmes ?…

— Il y en a deux, répondit Bleuette avec un malicieux sourire : — l’une d’elles a nom madame la comtesse de Landal…

— L’autre ?… murmura le garde-française.

— Avez-vous donc oublié son nom ?… demanda la jeune fille qui souriait toujours.

Martel releva sur elle son regard, où il y avait un espoir timide.

— Lucienne n’est pas mariée ?… dit-il.

Bleuette secoua sa tête espiègle et fit un geste de gentille menace.

— Vous lui aviez promis de revenir général ! répliqua-t-elle…