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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/721

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saient devant ses yeux ; chaque buisson lui semblait un fantôme, et le cours de la Vanvre qui étendait à ses pieds sa nappe blanchâtre, lui apparaissait comme un suaire immense dont les plis s’allongeaient à perte de vue…

Il fut plus d’un quart d’heure avant de reprendre assez de force pour gravir de nouveau le rocher ; mais dès qu’il se fut éloigné du théâtre de ses erreurs surnaturelles, son esprit vaillant et jeune secoua brusquement un reste de crainte. Il se signa, dit un De profundis pour le mort, et gagna le petit sentier qui, du sommet du roc de Marlet, descendait à Fontaine-aux-Perles.

Et à mesure que sa frayeur partait, sa jalousie revenait ; il se disait maintenant que cet homme qu’il avait rencontré aux environs du château n’était point, suivant toute apparence le soldat dont on avait parlé à la table de Presmes.

La jalousie est ainsi faite. — Tant que l’homme avait vécu, Hervé l’avait pris pour un rival ; maintenant que l’homme était mort, Hervé travaillait à se bien persuader que c’était un autre qui était son rival.

Arrivé auprès de la ferme de Fontaine-aux-Perles, ce ne fut point à la porte principale qu’il s’adressa. Il fit le tour de la maison et frappa doucement aux carreaux d’une petite fenêtre percée dans le pignon de la ferme.

On fut quelque temps avant de répondre, puis la petite fenêtre s’ouvrit, et la douce voix de Bleuette demanda :

— Qui est là ?

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

La métairie de Marlet, située de l’autre côté du rocher, était beaucoup plus grande que les fermes du pays de Rennes. — En revanche elle était fort délabrée et ses murs lézardés donnaient passage à tout vent. Sa toiture en ardoises était défoncée en plusieurs endroits, et malgré l’apparence que conservait l’ensemble du bâtiment, il était difficile de penser qu’une telle demeure pût servir à d’autres qu’à de pauvres gens de la forêt.

Ceux-ci habitués à leurs toits de chaume, qui laissent passer le vent comme la pluie, se trouvent bien partout, pourvu que l’eau ne dépasse pas le rebord de leurs sabots, et qu’ils aient un coin de toit assez large pour mettre la paille de leur lit à l’abri d’une averse.

Mais les habitants de la ferme de Marlet, si dégradée et ruinée qu’elle parût, n’étaient point des pauvres gens de la forêt.

Sous le hangar attenant au rocher, il y avait quatre beaux chevaux, faits pour être montés par des gentilshommes ; et qui n’avaient certes jamais mis leur nerveuse encolure sous le collier de la charrue. — Dans la chambre principale, à l’intérieur de la ferme, il y avait, outre le mobilier en usage chez les paysans, un râtelier contenant quatre belles et bonnes carabines et plusieurs paires de riches pistolets.

Nous entrons dans la ferme vers dix heures du soir à peu près, au moment où monsieur te chevalier de Briant suivait Hervé Gastel dans les jardins de Presmes.