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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/739

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ver à notre but… Quand nous serons convenus de nos faits, il sera temps de régler la question de savoir qui d’entre nous épousera la comtesse Anne.

Il y avait dans la manière de dire du chevalier un accent de franchise irrésistible et un entrain qui ressemblait à de l’éloquence.

Laurent et Philippe gardaient encore une apparence hostile, mais le vieux Carhoat était convaincu, ainsi que Prégent, son second fils.

— À votre santé, Kérizat ! dit ce dernier. — J’ai toujours soutenu que vous étiez un bon compagnon… Quant à vous céder la comtesse Anne sans ferrailler un peu, je ne le promets point… mais si MM. de Carhoat se mettent contre vous, je vous promets de ne les point soutenir.

Le chevalier s’inclina gracieusement.

— J’espère, répliqua-t-il, que MM. de Carhoat comprendront mieux leur intérêt véritable… En tous cas, MM. de Carhoat sont les maîtres… J’ai vu en ma vie bien des rapières voltiger devant ma poitrine, — et me voilà.

Le chevalier rapprocha son escabelle de la table et prit un air sérieux.

— D’après ce que j’ai entendu de votre entretien, poursuivit-il, vous avez l’intention de faire une seconde fois le siège de Presmes… L’idée n’est pas absolument mauvaise… mais il y a toute une garnison dans ce diable de château… et je parierais dix contre un pour le vieux veneur, dans le cas d’une attaque de vive force.

— Vous perdriez, monsieur de Kérizat, interrompit Laurent. — Avec une trentaine de ces bons garçons qui boivent et qui chantent, tout le jour durant, au cabaret de la Mère-Noire, dans la rue du Champ-Dolent, je vous promets, moi, d’enlever les deux filles de Presmes, de casser le cou à toute sa valetaille de vénerie, et de mettre le feu au château par dessus le marché !

— C’est trop de trente, ajouta Philippe, moi, je n’en demande que vingt.

Le chevalier et le vieux Carhoat échangèrent un regard.

Celui du chevalier voulait dire :

— Ah ! Monsieur le marquis, que vous avez mal élevé votre famille !

Dans celui du marquis il y avait à la fois du dépit et de l’orgueil.

— Ah ! Kérizat, grommela-t-il, c’est que les enfants le feraient comme ils disent, voyez-vous !…

— Le château de Presmes, reprit le chevalier, — vaut six cent mille livres tournois… À vous parler franchement, mes jeunes messieurs, je ne vois point la nécessité de le brûler, puisqu’il fait partie de l’héritage de la comtesse… D’un autre côté, je veux bien admettre que vous êtes très-forts, très-braves et très-invincibles… mais il y a trois ans, nous étions une centaine de bons diables autour de Presmes, et vous savez si nous nous sommes brisé les dents sur ses vieilles pierres !

— Philippe et Laurent sont des fanfarons, dit Prégent. — À votre santé, chevalier !… Avez-vous un moyen de prendre le château, sans trop de fatigue, et du premier coup ?