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Page:Féval - Le Fils du diable - Tomes 3-4.djvu/740

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C’est justement ce dont nous allons causer, répliqua le chevalier.

Laurent et Philippe devenaient involontairement plus attentifs.

— Messieurs de Carhoat, reprit Kérizat en s’adressant justement à eux, — avec vos vingt gaillards du Champ-Dolent, vous aurez ville gagnée, si vous pouvez surpendre Presmes… Mais si vous perdez votre temps à forcer la grille et briser les portes, fussiez-vous deux cents au lieu de vingt, vous serez culbutés… Je vous propose, moi, de vous introduire, sans encombre, et avant qu’il y ait un coup de donné, jusque dans le vestibule de Presmes.

— Bravo ! s’écria le vieux marquis, — voilà qui est d’un digne camarade Kérizat.

— Bravo ! répéta Prégent, — du diable si vous ne devez pas boire à la santé du chevalier, messieurs de Carhoat !

— Un instant, dit Philippe, — nous ne refusons pas de nous entendre avec M. de Kérizat… mais s’il ne nous introduit que pour retirer les marrons du feu et prendre la comtesse à notre barbe…

— Alors comme maintenant, messieurs, vous avez vos épées.

— Sans doute, sans doute, dit le vieux Carhoat : — mais au diable les épées, saint Dieu !… Buvons ferme et causons… Nous nous disputerons quand nous serons riches !

Il cligna de l’œil imperceptiblement en regardant Laurent et Philippe, comme s’il eût voulu leur faire entendre qu’il avait, lui aussi, une arrière-pensée.

Les deux jeunes gens, depuis quelques minutes, hésitaient entre leur rancune et leur intérêt. Ce regard sembla les décider.

— Eh bien, monsieur, dit Laurent, — il se peut que nous nous soyons trop avances… Je conviens que votre aide peut nous être fort utile… mais ne pourrions-nous, avant d’entrer en campagne, régler ce conflit qui s’est élevé entre nous et savoir d’avance à quoi nous en tenir.

— Monsieur le comte, répondit Kérizat, je suis heureux de vous voir en ces dispositions pacifiques… Nous allons revenir à ce sujet tout à l’heure. En attendant, achevons ce qui regarde l’expédition et prenons nos mesures… Je vous dirai tout d’abord que le temps presse… Ces braves garçons du Champ-Dolent, pouvez-vous les enrôler tout de suite ?

— Monsieur mon camarade, répondit le vieux Carhoat, ceci est la chose du monde la plus facile… Tout-à-l’heure, nous étions fort en peine, mais dans la position où nous vous retrouvons, cinquante ou cent écus doivent être pour vous une véritable bagatelle.

Le chevalier, pour toute réponse, frappa sur les poches de sa veste qui sonnèrent le creux.

— Ceci importe peu, reprit le vieux marquis en insistant ; — si votre bourse est vide, vous avez celle de M. de Presmes, et Dieu sait que celle-là est ronde !

Le chevalier secoua la tête.

— Il ne faut point compter là-dessus, répondit-il. — J’ai pris là-bas une po-