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Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/17

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dignes d’être connus. D’un autre côté, les spectres continuent comme par le passé, de soulever la pierre des tombes : rien ne change en cet univers. J’ai vu des vampires dans la campagne de Belgrade et des fantômes dans notre cimetière de Tubingen.

Nous avons fait ici appel à nos souvenirs et nous avons tâché de reproduire mot pour mot le préambule du conseiller privé baron d’Altenheimer. Son débit était remarquablement approprié à son style. Dans l’un et dans l’autre, il y avait d’abord un fond de naïveté, dont faisait partie l’emphase même de certaines expressions ; sur cette première couche se posaient des symptômes non équivoques de savoir : une mixture littéraire philosophique et scientifique ; sur le tout enfin, il y avait la prétention oratoire et je ne sais quelle bonne odeur de charlatanisme, convaincu, grave comme la robe noire d’un professeur d’université d’outre-Rhin.

Mgr de Quélen se pencha à l’oreille de sa voisine et lui dit :

— C’est l’Allemagne.

Le mot n’était pas sans profondeur. C’était l’Allemagne, en effet, cette pédanterie bonne femme, cette bourgeoise solennité, cette prédisposition naïve à faire d’un discours la chose que Paillasse appelle en place publique son “boniment”, tout cela accompagné, soutenu, sauvé par je ne sais quelle noblesse, qui a peut-être nom, en définitive : conviction.

Nos dames ne firent pas cette analyse, tout au long, mais la préface du baron leur plut. La séance prenait tournure de cours public, ce qui est encore allemand. On allait professer fantômes et brigands : les deux choses les plus effrayantes et les plus divertissantes qui soient au monde.

Et la lune propice, se mettant de la partie, sortit de son nuage pleinement et à propos pour empêcher la frayeur de nuire à l’attention. La clairière illuminée