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Page:Féval - Le chevalier ténèbre, 1925.djvu/48

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votre cordon de l’Annonciade ? où est votre plaque du Danebrog ?

Ce fut aussitôt un grand cri ; tout le monde à la fois s’apercevait du pillage. Le roi, le roi lui-même avait été dépouillé sur sa propre personne ! Les portes furent fermées. Il était trop tard. L’infant, l’infante et leur suite avaient pris les devants, emportant un butin qu’on ne peut estimer à moins de cent mille écus d’or.

— Au plus bas mot ! ajouta paisiblement monsignor Bénédict : peut-être cent vingt mille.

Un bruit continu de voitures roulant sur le pavé se faisait entendre, depuis quelque temps déjà, vers la route de Conflans. Du côté du château brillamment illuminé, le vent, qui soufflait maintenant par courtes rafales, apportait de vagues sons, et ces notes perdues des instruments qui tâtonnent pour se mettre d’accord. L’archevêque de Paris donna le signal de la retraite en disant :

— Nous ne pouvons pourtant pas faire faux bond à notre petit concert !

On se leva aussitôt. L’impression de terreur s’était tout à fait évanouie, par la raison toute simple que les derniers épisodes racontés par le baron n’avaient plus trait aux diverses émotions qui avaient d’abord agité l’assemblée. L’histoire de Venise se passait en plein soleil ; l’aventure de Stuttgard avait eu lieu sous l’éclatante lumière de mille bougies ; cela ne se rapportait plus à cette nuit sombre ou mystérieusement éclairée par la lune qui environnait les hôtes de Monseigneur. Les vampires et les brigands de M. le baron d’Altenheimer, avaient des mœurs d’opéra comique.

Mme la princesse prit le bras de son fils et garde du corps, le jeune marquis de Lorgères. Fanfaronne qu’elle était et toute fière de ne plus trembler, elle ouvrait la bouche pour reprocher au baron d’Altenheimer de ne l’avoir pas suffisamment effrayée, lorsqu’elle vit, fixés