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Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/428

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Il avait reconnu du premier coup-d’œil, non-seulement le coupé, mais le cheval et le cocher, ce beau Napolitain de Giovan-Battista, dont les sourcils, plus noirs que le jais, faisaient contraste avec la neige frisée de sa perruque blanche.

Vincent rabattit son feutre sur ses yeux, et désespérant de tromper le regard inquisiteur du comte Julian par la gaillardise de son allure, il prit, au contraire, la démarche titubante d’un Raphaël d’occasion qui a bu son plein, même avant le dîner.

En même temps, il entonna d’une voix enrouée la plus redoutable chanson d’atelier qui lui vint en mémoire.

Le coupé filait presque sans bruit ; il passa, rapide et léger, au milieu de la route dont Vincent tenait la marge.

Celui-ci portait sur l’épaule son parapluie professionnel, ce qui lui masquait d’autant le visage.

Il n’eut garde d’examiner le coupé ostensiblement ; mais la peur est une femme, elle jouit de ce privilège féminin qui consiste à voir sans regarder.

Vincent, abrité derrière les vastes plis de son parapluie, put reconnaître à la portière du coupé le profil perdu du colonel.

Que faisait là le comte Julian ? Pourquoi était-il précisément sur cette route ?

Au moment même où Vincent s’adressait à lui-même cette question, un brusque coup de vent, pré-