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Page:Féval - Les Compagnons du trésor, 1872, Tome I.djvu/444

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espéré et même conspiré tant de fois sa fin ! On avait vu si souvent ses deux pieds trébucher au bord de la fosse ! Cette sempiternelle agonie qui se jouait des héritiers impatients était-elle plus vraie aujourd’hui qu’hier ?

Nul n’aurait pu l’affirmer. Ils étaient là, le docteur Samuel, l’abbé X…, le duc (Louis XVII), le comte Corona, M. Lecoq (Toulonnais-l’Amitié), la comtesse de Clare. Ils affectaient un profond chagrin et dévoraient de l’œil cette pâleur cadavéreuse qui était pour eux la plus chère de toutes les promesses.

Le colonel avait dit la vieille au soir :

— Mes bons chéris bibis, cette fois, je suis au bout de mon rouleau. Je ne passerai pas la journée de demain. Vous voilà riches comme des Crésus. Je ne peux pas emporter notre tirelire. Sangodemi ! allez-vous vous en donner, mes minets ! je ne veux même pas vous apprendre combien il y a dans le sac ; il faut vous laisser le plaisir de la surprise. Je sais bien que vous me pleurerez, mes biribis ; mais ce sera une fière consolation quand mon testament vous tombera sur la tête comme une bénédiction… Je ne vous en dis pas davantage.

Il demanda un prêtre, désirant finir, comme il avait vécu, décemment.

L’abbé X… s’offrit. Le mourant lui fit un pied de nez amical.