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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/102

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« Il n’y a pas de bon Dieu ! s’écria-t-il tout à coup. J’étais fait pour toutes les délices de l’existence heureuse et débauchée !

— Calme-toi, Amédée ! lui dit sévèrement son ami. Tu te fais du mal avec tes passions brûlantes. La chance, peut venir. Si on trouvait une ficelle…

— J’en ai une ! l’interrompit Similor d’un air sombre.

— Voyons voir ! »

Amédée se souleva sur le coude. Un rayon de lune éclairait son maigre visage, autour duquel ses cheveux plats tombaient comme des serpents.

« Tu ressembles au traître ! murmura Échalot épouvanté.

— Ça y est ! répondit Similor avec une froide exaltation. Je ne crois plus à rien, même aux faiblesses de la nature ! Tout le monde sait bien qu’on trouve des bourgeois impotents qui veulent perpétuer leur race pour ne pas laisser périr le nom de leurs ancêtres. Je leur colle Saladin pour cent francs comptant ! »

Échalot ne répliqua pas tout de suite ; il pressa l’enfant contre son cœur avec une véritable tendresse et mit un long baiser sur sa pauvre joue blême.

« Fais silence, Amédée ! prononça-t-il solennellement. Tu blasphèmes ! L’enfant est plus à moi qu’à toi, car je l’ai nourri de mon laitage ! J’entrerai, s’il le faut, dans une voie criminelle, pas froid aux yeux, et prêt à violer les lois arbitraires qu’est faite par les tyrans. C’est mon caractère ! Mais faudra que tu me passes au travers du corps, entendez-vous, pour nuire au petit que j’ai son plan d’éducation tout fait, et que je lui laisserai intégralement mon héritage !

— Pour sensible, tu es sensible ! dit Similor attendri. Mais si l’impotent était pair de France ? Si ça