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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/101

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séchée et une bouteille vide, qui eût valu ses trois sous si elle n’eût été fêlée.

« Et dire, répéta Similor qui avait de vraies larmes dans la voix, que la moindre poule gagnée donne de quoi se divertir dans Paris, faire la noce avec des dames et se plonger dans l’oubli de ses propres tourments !

— Toujours des dames ! riposta Échalot avec humeur. Moi, si j’avais de l’or, je me bornerais à nous donner les plaisirs de la table. »

Mon Dieu ! ce soir, Similor se fût contenté de ce pis-aller.

« N’empêche, dit-il, pourtant qu’on en a vu qui mettaient un jeune homme dans l’aisance, des dames… À la dernière des Folies-Dramatiques, te souviens-tu de la marchande de denrées coloniales qui prenait des billets de cinq cents dans la caisse de son époux pour les fourrer à M. Théophile ?

— Autrement tourné que toi, celui-là ! » fit Échalot qui remplissait ses devoirs auprès de Saladin.

Similor se jeta sur la paillasse.

« Si on en avait les toilettes ! soupira-t-il. Gilet blanc, cravate bleu de ciel avec épingle en pierres précieuses, bagues au doigt, coiffé par le perruquier des théâtres et du fard sur les joues. La mère de Saladin était plus aristo qu’une épicière. »

Échalot haussa les épaules et dit :

« Avale, petiot, c’est moi qu’est ta vraie mère par les sentiments. »

Puis il ajouta en soupirant :

« Pauvre Joue-d’Argent ! »

C’était peut-être le nom, ou le sobriquet, de la défunte.

Ce fiévreux Similor se tournait et se retournait sur la paillasse.