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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/115

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Il y a place pour deux ici, ma mère !

Déjà ! comme tout va vite ! déjà du gazon et des fleurs sur cette tombe ! Prie pour moi, ma mère, ma sainte mère !

Le gazon a verdi, les fleurs se sont épanouies. Déjà, mon Dieu, déjà !

La voilà seule, Edmée, dans ce logis vide. Ils sont là, tous les deux, vis-à-vis, Michel et celle qu’il aime à présent : le rideau cruel montre ces deux ombres enlacées. Tout est clos et le charbon s’allume : car la prière funeste est exaucée de point en point.

Edmée n’a plus de mère : elle est libre de mourir.

Michel ! c’est la dernière pensée ! Si, pour le retenir ou pour le rappeler, il fallait perdre ce bien qui est plus cher que la vie, s’il fallait…

Ô ma mère, prie pour moi ! Jamais il ne m’a donné ce baiser que je devine et qui me tue ! Qu’il soit béni ! Qu’elle soit maudite !

Comme ce charbon s’embrase et que cette vapeur monte bien à mon cerveau ! Est-ce donc si aisé de mourir ? Et si doux !

On lui dira demain au matin, quand il s’éveillera : « Elle est morte. » Dès que nous sommes morts, on nous pleure.

Il viendra peut-être visiter là-bas celle qu’il abandonnait si près de lui. Quand nous sommes mortes, on nous aime.

Qu’elle ne soit pas maudite ! mon Dieu, pardonnez-lui. On devient meilleur pour mourir. Je vais à toi, ma mère. Michel, adieu, bien aimé amour ! mes yeux se voilent, mais je t’aime, je meurs et je t’aime ; je n’ai plus qu’un souffle, c’est pour t’aimer ! Je t’aimerai au-delà de la vie…

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