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Page:Féval - Les Habits noirs, 1863, Tome II.djvu/139

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comme si la pensée de s’y engager à son tour eût persisté en lui.

Au premier instant, il avait été presque dupe de la diversion opérée par la comtesse Corona, mais les dernières paroles prononcées établissaient clairement le rôle de la comtesse qui se posait en bienfaitrice vis-à-vis de sa mère. La cassette venait bien de sa mère qui, tout à l’heure, avait voulu la déposer chez lui.

Michel connaissait on ne peut mieux l’intérieur de la maison Schwartz ; il savait que le baron épiait sa femme passionnément et bourgeoisement ; il devinait ou à peu près la muette partie qui venait de se jouer entre les deux époux : le secret menacé, le fuite de Giovanna, emportant ce même secret, le mari tombant sur sa piste par hasard ou autrement, la poursuite nocturne dans les rues de Paris, et la rencontre, occasionnée par le fait même de son absence, à lui, Michel. Il comprenait bien aussi pourquoi on l’avait choisi pour dépositaire puisque la cassette, en définitive, devait renfermer sa propre existence.

Mais que de choses lui échappaient ! L’intervention inopinée de la comtesse Corona d’abord et le service rendu par cette femme qui était un adversaire ; ensuite, le dénoûment de l’aventure : la baronne s’était engagée dans l’escalier de service comme on prend un chemin connu ; le baron avait fait de même, et Michel avait encore dans l’oreille l’accent railleur que la comtesse Corona avait appliqué à ces paroles :

« À l’endroit où ils vont tous deux, ils ne se rencontreront pas ! »

Quel endroit ? la maison Lecoq ? Michel eut pour la première fois de sa vie la prudence virile.

« Mettons d’abord le dépôt en sûreté, pensa-t-il. Après, je verrai. »